Bien que les sages-femmes libérales ou hospitalières multiplient les mobilisations et les actions en tout genre depuis plusieurs mois, elles semblent ne jamais être entendues des pouvoirs publics. Pourquoi ? Sexisme ou volonté de conserver un statu quo ?
Des sages-femmes maltraitées, un constat partagé par tous les acteurs de la Santé
Le rapport de l’IGAS « Évolution de la profession de sage-femme » (Juillet 2021) dressait déjà un constat critique. S’il préconisait la mise en œuvre de 30 recommandations, il insistait néanmoins sur un point majeur :
Malgré les responsabilités importantes qu’elles occupent, le sentiment de manque de reconnaissance et le manque d’épanouissement des sages-femmes françaises est particulièrement marqué.
L’une des principales revendications des sages-femmes, une revendication exprimée avec force de puis des années, est donc admise et comprise par l’IGAS et par les autorités sanitaires. Les questions liées à la formation (initiale et continue), à la revalorisation salariale, à la reconnaissance d’un statut médical (et non d’auxiliaire ou de profession paramédicale) ou encore aux possibilités d’évolution professionnelle sont toutes liées à cette problématique de la reconnaissance. Légitimement, puisque tous les acteurs partagent le même constat, on peut s’interroger sur l’absence de réponse.
Aussi, ne listons pas l’ensemble des revendications, qui expliquent la multiplication des mobilisations des sages-femmes libérales et hospitalières depuis plusieurs mois. Ne cherchons pas non plus à comprendre les explications des uns et des autres sur chacune de ces demandes. Mais interrogeons-nous sur la question essentielle et centrale : Pourquoi les sages-femmes ne sont pas entendues, malgré un consensus sur leur situation ?
Garder les sages-femmes « sous contrôle », une ambition dissimulée ?
Certains n’hésitent pas à souligner l’ambition consciente et volontaire des autorités sanitaires, qui ne désireraient donc pas l’émergence d’un nouveau corps médical. Pourtant, le statut de la profession est inscrit dans la loi, bien que cette dernière ne soit pas pleinement appliquée. Dans une tribune publiée le 18 octobre dernier dans les colonnes du Monde, Yves Ville, professeur de gynécologie et Anne Rousseau, enseignante en maïeutique, n’hésitent pas à écrire s’agissant de la formation des sages-femmes, que cette non-reconnaissance ne peut s’expliquer que par
« la volonté de maintenir une main-d’œuvre surqualifiée dans une dépendance économique et statutaire devenue inacceptable. »
Une telle justification de l’inaction des pouvoirs publics serait de nature à attiser la colère des maïeuticiennes, et à renforcer une tendance néfaste à la profession : la diminution des vocations. Au cours de la précédente décennie, le nombre d’étudiants en maïeutique avait augmenté de 25 %, alors qu’il a reculé de 20 % en deux ans
La profession de sage-femme moins écoutée que les autres professionnels de santé ?
Une autre explication souvent avancée réside dans l’incapacité de la profession à se faire entendre. Les syndicats et même l’ordre ne seraient pas assez puissants pour imposer leur point de vue et imposer une évolution. La profession pâtirait alors de son manque de reconnaissance au sein de la population. Avec moins de 25.000 sages-femmes en exercice en France, la profession ne constituerait donc pas assez de poids pour peser dans les discussions. Si l’argument peut être entendu, il n’efface en rien la légitimité des revendications portées.
Les ordres des kinésithérapeutes ou même des infirmiers n’ont-ils pas réussi à rallier le ministère de la santé à leur cause en obtenant notamment l’expérimentation de l’accès direct à la kinésithérapie pour les uns ou le droit à la primo prescription pour les autres ?
Une profession de femmes au service des femmes, un obstacle ou un levier ?
Enfin certains veulent croire que cette inaction des pouvoirs publics est directement liée à la nature même de la profession. Des femmes au service de la santé des femmes, voilà un des fondements de la vocation de ces maïeuticiennes. Largement féminisée (97 % en 2021), la profession souffrirait alors de cette spécificité propre à sa nature. Un comble à une époque où l’égalité de traitement, de considération, de salaire, …, entre les hommes et les femmes est présentée comme un socle fondateur de la société du futur.
Quelle que soit l’explication avancée pour justifier le silence des autorités publiques, elle reste condamnable et critiquable. Toujours est-il qu’il faudra bien surpasser ces fausses bonnes raisons de ne pas agir pour apporter rapidement des réponses concrètes à une profession, qui entend bien poursuivre ses mobilisations.
Et vous, comment expliquez-vous cette non-reconnaissance ? Volonté délibérée ? Manque de poids de la profession ? Sexisme ?