Au centre de toutes les préoccupations en matière de santé, les sages-femmes continuent à exprimer leur mécontentement même après avoir bénéficié d’un protocole d’accord, jugé « largement insuffisant ». Dans le même temps, une proposition de loi ambitionne de transformer la formation même des maïeuticiennes en la faisant évoluer vers un BAC + 6. Une décision, qui est loin de répondre à toutes les questions posées !
Des bonnes nouvelles en cascade pour les sages-femmes en cette fin d’année 2021 ?
Les députés ont fait droit à certaines revendications, que les sages-femmes portaient depuis des années. Même si ces évolutions inscrites dans la loi désormais sont insuffisantes selon une grande majorité de sages-femmes libérales et hospitalières, elles donnent une tendance de ce que les autorités sanitaires pourraient décider dans les mois et les années à venir. Pour présenter le texte devant l’Assemblée nationale, la rapporteure, la députée Annie Chapelier, expliquait ainsi que ce texte
« (…) ne répondra pas à tous les problèmes à résoudre pour une pleine et entière reconnaissance de la profession mais il propose de commencer par la base: la formation »
C’est sur la base du rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) publié en septembre dernier, que cette proposition de loi a vu le jour. Même si ce rapport avait provoqué la colère d’une partie de la profession, il recommandait une plus grande reconnaissance du métier de sage-femme, soulignant que celle-ci devait commencer par la formation en elle-même. Quelques jours seulement après le protocole d’accord signé entre le ministère de la Santé et les sages-femmes, c’est donc la formation initiale de ces maïeuticiennes qui est appelée à évoluer. Une juste évolution pour certains, alors que d’autres professionnelles soulignent l’ironie de cette décision.
L’évolution de la formation de sage-femme, un Bac +6 pas toujours compris ni accepté
Cette proposition de loi ambitionne de finaliser l’intégration de la formation des sages-femmes à l’Université avec l’objectif de « de décloisonner les formations en santé ». Personne ne pourra se plaindre d’une telle ambition, qui devrait, dans l’esprit même de cette décision, imposer les maïeuticiennes comme de véritables actrices des unités de formation et de recherche (UFR) de médecine ou de santé. Mais le texte fait également évoluer la durée de la formation pour devenir sage-femme, en complétant cette formation d’un 3ème cycle. Désormais, pour devenir sage-femme, il faudra donc étudier pendant 6 années (au lieu de 5 actuellement). Si la proposition de loi a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, elle devra être confirmée par le Sénat. En revanche, les débats, qui sont nés de cette proposition de loi, ont déjà mis en évidence des tensions existantes. En effet, même si un effort a été déployé à destination des sages-femmes hospitalières et dans une moindre mesure des sages-femmes libérales, les maïeuticiennes se plaignent déjà de l’insuffisance de la rémunération. Et imposer une année supplémentaire et faire des sages-femmes des titulaires d’un BAC + 6 implique nécessairement une revalorisation encore plus importante, au risque de démotiver encore plus les futures sages-femmes.
Si cette proposition de loi a été votée pour préparer l’avenir, le député François Ruffin résume parfaitement l’opinion d’une grande majorité des professionnelles concernées : « le problème est ici et maintenant ».
Devenir sage-femme, une vocation malmenée depuis des années
A ces considérations de reconnaissance et de revalorisation salariale s’ajoute enfin une véritable crise des vocations. Les sages-femmes déjà en activité, comme les enseignants chargés de former les maïeuticiennes de demain, reconnaissent que la vocation est rudement malmenée. C’est notamment ce qu’expliquait Mme Laura Faucher, présidente de l’Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF) en s’alarmant de l’augmentation du nombre d’abandons au cours des études :
« Nous avons des abandons dans toutes les écoles. Ils surviennent principalement en troisième année, ce qui coïncide avec l’accélération des stages et donc la découverte de la réalité du terrain. À cause du manque d’effectifs, les étudiants se retrouvent dans des situations dans lesquelles ils ne devraient pas se retrouver»
Dans ces conditions, il n’est pas certain que l’évolution d’un bac +5 à un bac +6 soit idéale pour redorer le blason d’une profession, qui fait de moins en moins rêver.
Et vous, comment jugez-vous cette ambition de faire évoluer la profession de sage-femme ? Pensez-vous que cette décision est de nature à apaiser la situation ?