La tension entre les sages-femmes d’un côté et les autorités sanitaires de l’autre est palpable et se renforce chaque jour un peu plus. Pourtant, les constats dressés par les uns et les autres se rejoignent bien souvent, mais les sages-femmes n’attendent plus des promesses mais des actes.
Avec le rapport de l’IGAS « L’évolution de la profession de sage-femme » , l’analyse détaillée de la DREES sur la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) en 2020 permet de dresser un état des lieux de la profession. Les sages-femmes font savoir depuis plusieurs semaines le malaise, qu’elles ressentent et leur dernière mobilisation, au cours du week-end du 25 et 26 septembre, conforte ce ressenti. Selon Camille Dumortier, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes, 150 maternités (sur un peu moins de 500) étaient en grève à 100 % et 6 infirmières libérales sur 10 avaient rejoint le mouvement. Sans revenir sur le détail des revendications portées par les maïeuticiennes, force est de constater que les analyses chiffrées de l’IGAS et de la DREES confirment certaines problématiques, soulevées, depuis des mois, par les sages-femmes libérales et hospitalières.
Vers un accroissement de la part de sages-femmes libérales ? Une évolution à bien comprendre
Est-ce la dégradation des conditions de travail ou le manque de revalorisation salariale ou encore le manque de reconnaissance ? Toujours est-il, que de plus en plus de sages-femmes décident d’exercer en libéral. L’effectif des sages-femmes libérales a ainsi cru de 1 % en 2020, alors que dans la même période, celui des sages-femmes hospitalières reculait de 1.8 %. Aujourd’hui, 33 % de la profession exerce sous le statut de libéral, un statut qui a connu une progression de 39.7 % depuis 2015. Selon les projections de la DREES, les sages-femmes libérales devraient représenter 46 % de la profession à l’horizon 2050. Cet accroissement important et continu n’est pas sans poser de questions notamment en ce qui concerne la bonne répartition géographique des sages-femmes dans toutes les régions de France.
La nécessité de définir précisément le champ d’action des sages-femmes
On connait les revendications de ces professionnelles de santé quant à la reconnaissance de leurs missions et de leurs compétences. Le rapport de l’IGAS va également en ce sens, rappelant que la profession reste, aux termes de la loi, une profession médicale autonome à « compétences définies et réglementées ». En revanche, l’étude pointe également la méconnaissance que les femmes peuvent ressentir vis-à-vis des missions des sages-femmes mais aussi des prises en charge, qu’elles peuvent garantir.
« Il n’existe pas à ce jour de document de référence listant de manière synthétique et globale les compétences des sages-femmes (…) »
C’est une des recommandations du rapport, qui entend ainsi agir sur ce besoin « légitime » de reconnaissance.
De sage-femme hospitalière à l’exercice mixte, une évolution inéluctable ?
Bien évidemment, l’IGAS émet plusieurs recommandations quant à l’amélioration des conditions de travail des sages-femmes hospitalières afin de pallier la pénurie de personnel, qui menace certaines maternités. La question de la reconnaissance mais aussi de la rémunération est au cœur de ces recommandations. Le même constat (avec les mêmes solutions proposées) est fait pour les sages-femmes libérales. En revanche, l’IGAS recommande également de privilégier le développement de l’exercice mixte, qui représente, à ce jour, le « meilleur compromis » possible. Le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des maisons de naissance notamment participent à légitimer et renforcer ce choix.
La lecture de ce rapport de l’IGAS, publié en juillet 2021, apporte bien, dans les grandes lignes, des réponses concrètes et adaptées aux revendications portées par la profession il y a quelques jours seulement. En demandant à cette occasion « Laissez-nous prendre les femmes en charge comme il se doit ! », Camille Dumortier pourrait se féliciter des recommandations, émises par ce rapport. Mais il ne s’agit à ce stade que de recommandations, et la profession a déjà été tant de fois déçue, que les sages-femmes n’attendent aujourd’hui qu’une chose : la concrétisation de ces « belles paroles ».
Et vous, estimez-vous que cette fois-ci, les autorités publiques concrétiseront ces orientations ? Quelle serait selon vous la première mesure à prendre pour faire évoluer la situation dans la bonne direction ?